Inauguration de la plaque Félix Pécaut
Samedi 22 juin, nous étions réunis au cimetière de Salles Mongiscard par le maire, Guy Romain afin d’inaugurer la plaque commémorative sur la tombe de Félix Pécaut. Ses descendants, dont Martin Hirsch, se tenaient aux côtés des élus, des élèves de l’école et des nombreux invités venus se remémorer le parcours de Félix Pécaut et notamment son combat pour la création de l’école laïque auprès de Ferdinand Buisson et Jules Ferry.
Vous trouverez ci-dessous (à télécharger) le discours d’Hélène Lanusse-Cazalé, historienne du protestantisme au XIXe siècle et administratrice de l’association Histoire et Patrimoine Protestant des Pays de l’Adour :
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Suivi, ci-dessous, du discours de Martin Hirsch, descendant de Félix Pécaut, initiateur du Service civique.
“Monsieur le Député,
Monsieur le Maire,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais remercier très sincèrement le maire de Salles- Mongiscard, Monsieur Guy Romain, d’avoir pris l’initiative, il y a deux ans, de se mettre en quête des descendants de Félix Pécaut, dans le souci de remettre en état sa tombe. Cette recherche généalogique a permis de trouver que le directeur général de l’Assistance- Publique Hôpitaux de Paris que j’étais à l’époque était également l’arrière- arrière-arrière-petit-fils de Félix Pécaut. Je me souviens très précisément de l’appel du maire me faisant part du mauvais état de la tombe de mon aïeul, se demandant si j’en connaissais l’existence et en appelant à notre responsabilité. Ma mère, née Pécaut, nous avait emmenés sur cette tombe il y a un demi-siècle ainsi que sur ses traces dans sa ville natale de Salies de Béarn et je n’avais pas du tout oublié cette part de sang béarnais qui coule dans mes veines. S’il en était besoin, nous en gardions d’ailleurs un souvenir matériel, avec ce béret, que j’ai toujours vu dans l’armoire de ma grand-mère, précieusement protégé des mites par de la naphtaline, comme une relique laïque des ancêtres Pécaut. Est-ce celui de Félix ou de son fils Pierre-Félix, je l’ignore. En tous cas, les descendants de Félix Pécaut, dont plusieurs sont présents aujourd’hui, ont, comme moi, immédiatement répondu à l’appel et c’est avec grand plaisir que nous nous sommes mobilisés pour remettre cette tombe en état.
Nous ne prétendons pas nous hisser à la hauteur du grand Félix Pécaut, mais je me plais à penser que d’avoir été bercé dans l’évocation de son œuvre et de sa volonté inlassable d’élever l’esprit par l’éducation, n’est pas étranger à mon engagement pour créer puis développer le service civique dans noter pays, qui attire près de 100 000 jeunes chaque année, pour une mission au service de l’intérêt général, service civique que nous avons conçu avec les grands acteurs de l’éducation populaire.
Je voudrais féliciter aussi le maire pour sa préscience, d’avoir choisi, il y a plusieurs mois, cette date du 22 juin 2024, pour la cérémonie qui nous réunit aujourd’hui. Comment pouvait-il savoir que cela serait à la fois la pire date, en pleine période de réserve qui nous prive de la présence des représentants de l’Etat, mais surtout la meilleure, dans ces circonstances si dramatiques, pour évoquer l’héritage spirituel de Félix Pécaut, l’un des grands architectes de l’école publique laïque, gratuite obligatoire, autour de Jules Ferry, avec Ferdinand Buisson, Jules Steeg et Pauline Kergormard. Son message et les valeurs qu’ils ont portées est plus que jamais d’actualité dans ses temps troublés.
C’est aussi avec une grande émotion, et même les larmes aux yeux, que j’ai entendu, à travers les paroles de Guy Romain, du député David Habib et de l’historienne Hélène Lanusse-Cazalé, l’évocation des combats de notre aïeul et que je découvre cette plaque commémorative. C’est très émouvant de retrouver tant de personnes réunies autour de sa personnalité, de toutes générations, maintenant vivant son souvenir.
Comment ne pas rappeler que c’est ici même, il y a 126 ans, en 1998, au moment des obsèques de Félix Pécaut que Ferdinand Buisson, futur prix Nobel de la paix, rendit public son engagement en faveur du capitaine Dreyfus, convaincu par son vieil ami Félix Pécaut, qui avait pour ce motif démissionné deux ans plus tôt de ses fonctions d’inspecteur général, et par son fils Elie ?
Deux ans plus tard, dans l’hommage prononcé par Ferdinand Buisson dans une cérémonie un peu analogue à celle qui nous réunit aujourd’hui, puisqu’il s’agissait d’inaugurer un buste en l’honneur de Félix Pécaut à l’Ecole normale supérieure de Fontenay-aux-roses qu’il avait créée avant d’en diriger les études pendant seize ans, j’ai trouvé cette phrase qui m’est apparu d’une actualité brûlante :
« Félix Pécaut leur (aux jeunes femmes qui allaient devenir institutrices) a révélé le patriotisme de la femme française, non pas celui qui s’enferme dans la haine et la jalousie, non pas le seul amour instinctif et tenace du sol natal, mais celui qui aime avant tout dans la France, le cœur et l’esprit de la France, ses idées, ses traditions, ses principes, sa fois républicaine, ses larges sympathies pour tout ce qui est humain ».
On trouve déjà cette distinction entre une conception nationaliste du patriotisme, reposant sur l’exclusion, et une vision généreuse du patriotisme, fondée sur les valeurs. Comme un message qui nous serait adressé aujourd’hui.
Ce qui frappe également quand on se replonge dans la vie et l’œuvre de Félix Pécaut, c’est une vision de l’éducation, non pas pour s’extirper du peuple, encore moins pour opposer des classes éduquées à des masses incultes mais au contraire comme un instrument du peuple au service du peuple. Il aimait à dire aux futures institutrices ; « vous êtes du peuple. Apprenez à le connaître, apprenez à l’aimer ». et il avait cette très belle formule : « Il faut rendre la multitude digne de gouverner, de prendre des responsabilités nationales et individuelles », affirmant ainsi que l’éducation avait comme rôle de permettre à chacun d’être maître de son destin et de prendre une part dans le destin collectif. Cette vision d’une éducation qui élève tout un peuple, qui le fait grandir et le rend acteur de la République est aux antipodes du populisme qui flatte le peuple dans ses bas instincts.
Sa conception de la laïcité s’inscrit pleinement dans cette philosophie. La laïcité est, pour lui, d’abord une exigence d’émancipation par rapport à ceux qui vous dictent comment il faudrait penser, pour penser à par soi-même et non pas en vertu de ce qu’une autorité civile ou religieuse vous commanderait de faire. Un peu comme on peut refuser aujourd’hui de se voir dicter la manière dont on devrait aimer la France. Elle est bien loin d’une vision excluante de la laïcité, instrumentalisée pour écarter une religion par rapport à une autre, pour faire un moule dans lequel tout le monde ne pourrait pas rentrer. La laïcité dont Félix Pécaut est un concepteur et un défenseur est une laïcité de l’intégration, une laïcité de respect et non pas de rejet, une laïcité de l’émancipation, une laïcité de la fraternité, de l’égalité et de la liberté. Bref, une véritable laïcité républicaine.
On attribuait à Félix Pécaut, aussi bien dans ses adresses quotidiennes aux élèves de l’école de Fontenay que dans sa correspondance ou dans les chroniques qu’il adressait au Temps, le caractère d’un prophète laïque. Il y a effectivement une dimension prophétique et à nouveau d’une brûlante actualité dans cette phrase ; « Il dépend de nous de résister sur la ligne entière à l’ennemi intérieur, plus redoutable que l’étranger ». L’ennemi intérieur, c’est celui qui cherche à entraîner le peuple dans la peur, le rejet, la haine de l’autre. Je ne peux pas résister à évoquer le fait que quand on sondait des jeunes ayant effectué leur service civique, ce qui les distinguait de jeunes non engagés solidairement, c’est qu’ils considéraient « l’autre » comme une opportunité et non pas comme une menace ».
Nous sommes réunis aujourd’hui parce que nous souhaitons que l’esprit de Félix Pécaut continue à souffler. Puisse son message rester bien vivace, et inspirer des générations à défendre les valeurs humanistes, les valeurs de la République les valeurs de tolérance. Merci encore au maire de nous avoir réunis et merci à tous pour votre présence. “
Fiche d’identité :