Au fond d’une grange, un homme, coiffé d’un béret, descend d’un grenier, courbé sous le poids du baluchon qu’il porte sur son épaule. Seule véritable touche de couleur du tableau, la silhouette semble presque anecdotique, reléguée à l’arrière-plan. L’architecture du lieu frappe de prime abord : les lourdes poutres de chêne sur lesquelles repose une multitude de solives sont soutenues par deux colonnes de bois renflées et soulignées de tores. L’escalier que descend l’unique personnage du tableau, avec son garde-corps et son poteau de départ sculpté, laisse également deviner que la scène ne se déroule pas dans une quelconque grange béarnaise… Les poutres et solives du plafond, soulignées par la lumière, occupent la quasi totalité du tiers supérieur de l’œuvre, démontrant une certaine maîtrise de la perspective. La colonne de droite, dans l’ombre, comme le foin d’où elle semble émerger, tient lieu de premier plan repoussoir. Le contraste avec le blanc pur rehaussant la seconde colonne ainsi que la meule de foin voisine, souligne l’intensité de la lumière filtrant par les volets entrouverts. Le clair-obscur créé par cet éclairage latéral – qui n’est pas sans évoquer les représentations d’intérieurs flamands du XVIIe siècle – fait apparaître le réseau de toiles d’araignées qui, comme autant de guirlandes, habillent les poutres.

Cette scène de genre, sans grande originalité, est un instantané de la vie de la bourgeoisie rurale béarnaise du début du XXe siècle. Henry Nogaret, son auteur, est en effet un riche propriétaire, vivant du fruit du travail des métayers qui œuvrent sur ses terres autour du Château de Bellevue à Baigts-de-Béarn. L’homme représenté ici est sans doute l’un de ces paysans venant lui remettre la part de récolte qui lui était due. Membre d’une grande famille protestante de la région, descendant d’une lignée de pasteurs – Pierre, son arrière-grand-père, à Salies-de-Béarn ; Joseph, son grand-père, à Bayonne –, Henry Nogaret vit de ses rentes et s’adonne aux passe-temps des hommes de son époque, parmi lesquels l’histoire et la peinture. S’il n’est donc en rien un artiste professionnel, une étiquette conservée au dos de l’œuvre indique qu’elle a été exposée lors d’un Salon annuel de la Société des Amis des Arts de Pau, probablement en 1932 au Pavillon des Arts ou en 1935 au Musée des Beaux-Arts. Fondée en 1863, cette société, au sein de laquelle se retrouvent les notables de la ville, organise depuis lors une exposition annuelle. Si les vernissages du Salon sont, chaque année, l’événement mondain de la vie paloise, ces expositions sont également un des lieux populaires les plus fréquentés de la ville durant l’entre-deux-guerres. S’y mêlent les œuvres d’amateurs et d’artistes renommés, médaillés des salons parisiens pour certains. Ainsi, cet Intérieur de grange, pour n’avoir pas retenu l’attention des responsables du musée qui achetaient lors de chaque édition une ou plusieurs œuvres présentées, a-t-il sans doute cohabité, le temps de quelques semaines, avec les tableaux de René-Marie Castaing et de René Morère, ou bien encore avec les bronzes d’Ernest Gabard, artisans de la « petite renaissance paloise ».

Fiche d’identité :

Henry Nogaret
1930
Huile sur bois
H. 53,5 cm ; L. 66 cm
Achat, 2014
[inventaire en cours]